Attrape-moi si tu peux : ou comment poser un collier GPS sur un chacal à chabraque

Suite du Karoo Predator Project en Afrique du sud avec Marine Drouilly (Cf les 6 articles précédents depuis mars 2013):

Mars, avril, c’est le printemps qui arrive en France, avec ses hirondelles, le départ des grues cendrées, les primevères et les jonquilles. Dans le Karoo sud-africain, c’est l’automne. Le soleil tape moins fort et les nuits sont fraîches.

On voit moins de tortues et de serpents mais on entend chanter les chacals. En avril débute leur saison de reproduction et les couples se forment petit à petit jusqu’en juin. C’est le moment propice pour essayer d’en attraper quelques-uns et de les équiper de colliers GPS. Plus facile à dire qu’à faire ! L’animal est malin, plus rusé qu’un renard et plus farouche qu’un coyote.

A l’aide de « l’expert chacal » sud-africain Niel Viljoen, de leurres odorifères et d’enregistrements d’appels, voilà le Karoo Predator Project partit pour la Réserve d’Anysberg. Cinq chacals ont été capturés dans les fermes et cinq individus doivent maintenant être équipés dans la Réserve pour pouvoir comparer leur écologie spatiale et leur comportement. Cela va permettre d’obtenir des informations sur l’impact de la persécution humaine sur le chacal à chabraque au sein des fermes.

Niel, Marine et Quinn en train de poser un piège et de prendre ses coordonnées GPS.

Niel, Marine et Quinn en train de poser un piège et de prendre ses coordonnées GPS.

Marine et Kai avec le premier mâle attrapé et équipé d’un collier GPS dans la Réserve – Pluto

Marine et Kai avec le premier mâle attrapé et équipé d’un collier GPS dans la Réserve – Pluto

 

 

Seulement 10 jours ont été bloqués pour la première session de capture, ce qui est très peu au vu de l’espèce ciblée. Mais c’est sans compter l’énergie et la motivation de l’équipe de capture. Marine Drouilly, Niel Viljoen et Kai Fitchen (technicien de terrain pour le Projet) commencent par marcher à travers le Réserve pour trouver des traces du canidé, se rendre aux points d’eau, chercher leurs fécès, écouter d’où proviennent leurs appels, avant de poser leurs pièges. Après cinq jours, le premier chacal est attrapé de nuit : c’est un femelle adulte en bonne santé qui sera appelée Luna. La capture a lieu très vite et en moins de 30 minutes, la femelle est retirée du piège, anesthésiée, le collier est posé et l’animal mesuré puis relâché. Le lendemain matin, c’est un jeune mâle de trois ans qui est capturé : Pluto.

Pluto endormi avec son collier GPS, juste avant le réveil

Pluto endormi avec son collier GPS, juste avant le réveil

Eskimo, le plus vieux chacal capturé par le Projet, à son réveil après la pose du collier.

Eskimo, le plus vieux chacal capturé par le Projet, à son réveil après la pose du collier.

 

 

Lors de notre dernier jour de capture, un vieux mâle est attrapé, si vieux qu’il n’a plus de dent mais sa condition reste correcte. Il est vite relâché avec son collier et ses données GPS nous apprennent qu’il entre et sort de la Réserve sans encombre, un problème pour les éleveurs alentours. Les premières semaines de données pour nos trois canidés montrent que les territoires sont bien plus petits que dans les fermes et que les chacals de la Réserve sont plus charognards que chasseurs comme dans les fermes. En mai, dix nouveaux jours sont bloqués pour tenter de capturer deux nouveaux individus au sein de la Réserve.

2015 voit l’arrivée d’un nouveau membre dans l’équipe : Dr. Marion Tafani qui termine sa thèse de Doctorat sur l’impact des changements climatiques sur la marmotte alpine. Marion va travailler sur le Projet pendant un an et s’intéressera aux conflits entre les éleveurs et les babouins (Papio ursinus).

Marion Tafani prenant des mesures et des poils sur un babouin mort, pour son étude sur les conflits avec les éleveurs.

Marion Tafani prenant des mesures et des poils sur un babouin mort, pour son étude sur les conflits avec les éleveurs.

De plus en plus d’attaques de babouins ont lieu sur les troupeaux et les éleveurs désespèrent car aucune barrière n’arrête le primate et les dégâts peuvent être catastrophiques. Certains éleveurs tentent de réguler leur nombre mais il semblerait que l’espèce revient toujours plus nombreuse, notamment en temps de sécheresse. Bienvenue donc à Marion qui va tenter de mieux comprendre ce conflit en étudiant le régime alimentaire des babouins du Karoo et leur écologie spatiale à l’aide de colliers GPS fournis par le Projet.

Babouins piégés dans une cage par un éleveur du Karoo, dans le but de contrôler leur nombre et leurs attaques sur les troupeaux.

Babouins piégés dans une cage par un éleveur du Karoo, dans le but de contrôler leur nombre et leurs attaques sur les troupeaux.

Après de nombreuses demandes, le projet s’est également doté d’un site internet et d’un blog (en anglais). Par ce moyen, nous espérons intéresser plus de monde et garder les éleveurs informés de ce qui se passe au sein du Projet, ainsi que partager les résultats des différentes études que nous menons. Vous pouvez vous y rendre à l’adresse suivante : www.karoopredatorproject.wordpress.com